Le looper : l’allié du musicien solo

Qu’est-ce que le looping ?

Avant de se lancer dans des conseils sur l’utilisation du looping en musique, mieux vaut débroussailler le vocabulaire qui l’entoure. Les termes utilisés dans le milieu sont nombreux.

Le looping, appelé aussi le bouclage en français, est la technique qui permet à un musicien d’enregistrer une loop musicale ou rythmique (ou une boucle) afin de créer une séquence répétitive.

La naissance du looping musical

Le terme looping est né dans les années 50 car, dans la composition musicale de cette époque, des artistes collaient deux extrémités de bandes analogiques entre elles pour former une boucle continue. Ils ne disposaient pas du matériel d’aujourd’hui, créer des loops n’était pas si simple ! Les compositeurs de musique électronique et alternative ont été les premiers à s’approprier le looping. On pense notamment à la collaboration entre Brian Eno et Robert Fripp.

Nous avons retrouvé une performance sur YouTube de ce dernier. Il ne dispose pas d’une station de looping ou d’un ordinateur, il utilise un appareil appelé le Frippertronics. C’est une sorte d’enregistreur-lecteur composé de deux magnétophones fonctionnants chacun sur bande analogique permettant de créer une boucle. Le premier enregistre le son de la guitare de Robert Fripp, cet enregistrement est envoyé au second magnétophone qui le lit avec un léger décalage de quelques secondes ce qui génère un delay. Le tout forme une boucle continue sur laquelle Robert Fripp peut improviser avec sa guitare.

Fonctionnement du Frippertronics

Ci-dessus, le principe du Frippertronics détaillé dans un schéma (CC Wikipédia). On y voit le signal entrant de la guitare et son trajet passant de l’enregistreur au lecteur qui le reproduit avec un décalage avant de le faire tourner en boucle.

Quelques années plus tard, le looping a fait son apparition dans le milieu du rock et de la pop. L’un des groupes l’ayant utilisé est les Beatles sur leur titre Tomorrow Never Knows.

Pour ce morceau, Paul McCartney a réalisé des boucles instrumentales et vocales, qui ont ensuite été transformées à l’aide d’effets puis intégrées au titre.

L’Histoire autour de ce titre, et du bouclage dont il a fait l’objet, mérite le détour. Nous vous invitons à la découvrir ici.

Qu’est-ce qu’un looper ?

Le looper, ou le boucleur en français, est l’appareil qui permet de mettre en place le looping. Aujourd’hui, il s’agit généralement d’une petite pédale ou d’un véritable processeur pouvant disposer de plusieurs pistes d’enregistrement. Il existe des modèles simples à une ou deux pistes, et des modèles à plus de 5 pistes différentes. Notez que la plupart des processeurs multi-effets disposent d’un looper à une piste d’environ 120 à 150 secondes. C’est le cas de l’Ampero et de l’Ampero II Stomp. Ces processeurs peuvent être d’excellents alliés pour débuter dans le looping (bouclage) et créer de premières loops.

Le looping peut aussi être réalisé à l’aide d’un ordinateur, d’un DAW et d’interfaces MIDI. Certains artistes préfèrent ce type de configuration à la pédale indépendante. C’est le cas de la violoniste Laura Escudé qui passe par un pad MIDI combiné au logiciel Ableton installé sur un ordinateur. Chaque configuration a ses avantages et inconvénients que nous énuméreront un peu plus bas.

Où trouve-on des loops ?

Les samples

Dans le milieu de la musique électronique, rap et RnB, on retrouve très souvent un sample, un échantillon en français, joué de manière répétée. Celui-ci a souvent une durée assez courte et sert de véritable base à la totalité du morceau. Il est soit une boucle originale d’un auteur, soit extrait d’un autre enregistrement sonore, modifié et bouclé afin de créer un nouvel ensemble musical.

Cette vidéo présente quelques samples connus et leurs titres d’origine.

Le live looping

Dans le cadre de cet article, on va surtout s’intéresser aux loops originales enregistrées en direct. On trouve ce type de loops lors de concerts d’artistes solistes ou en groupe. Dans ce cas, on parle de live looping. Les artistes s’enregistrent directement sur scène et créent leur titre de A à Z à l’aide de plusieurs boucles. Lorsque la base bouclée est créée, ils peuvent jouer par-dessus et l’utiliser comme accompagnement. Certains artistes sont des adeptes de l’improvisation et imaginent complètement un titre sur scène à l’aide de boucles. Ils utilisent un système multi-pistes permettant de superposer plusieurs couches musicales.

Découvrons concrètement en quoi consiste l’enregistrement multi-pistes. Cela sera plus simple à saisir en vidéo à l’aide d’un exemple. Dans cette vidéo, Laurent Bernadac enregistre en temps réel plusieurs loops (appelées parfois des phrases).

La première piste est rythmique et contient plusieurs éléments (cajon, basse réalisée au violon couplé à un octaver et de petits accompagnements). Chaque élément est enregistré séparément et se superpose au précédent dans une même piste. C’est ce qu’on appelle des layers ou des couches. Cette première piste est utilisée quasiment de façon continuelle tout au long de la vidéo.
La deuxième est une piste d’accompagnement de violon, enregistrée au début de la vidéo (1:04) puis relancée à plusieurs reprises lors du morceau. Enfin, la troisième, et dernière piste, est un passage de violon combiné à de la wah wah. Ces 3 pistes sont enregistrées séparément puis lancées/arrêtées et combinées les unes aux autres afin de créer un morceau.

Eduardo Bortolotti a résumé dans la vidéo ci-dessous la quasi-totalité des questions relatives au matériel nécessaire pour se lancer dans le looping en tant que joueurs d’instruments à cordes frottées (violoniste, altiste, contrebassistes ou violoncelliste). Il donne aussi de multiples conseils sur le branchement des appareils utilisés (looper, multi-effets ou pédales à effets, instrument de musique, DAW, etc.) ainsi que quelques astuces pour se lancer dans le live looping ! Nous avons ajouté des sous-titres en français à la vidéo, n’oubliez pas de les activer !

Comment brancher son looper ?

Petit aparté sur le branchement ! Le looper sera toujours après votre rack de pédales à effets ou votre processeur multi-effets. Sinon, il ne peut pas enregistrer le son modulé de votre instrument ou de votre voix. Le looper est donc toujours l’un des derniers éléments dans la chaîne sonore d’un musicien.

Cas du looper pédale

La configuration est composée d’un instrument de musique suivi du système d’effets, lui-même suivi de la pédale de looper. La sortie du looper est dirigée vers un système d’amplification (ampli, table de mixage ou enceintes).

Il existe des loopers conçus pour un contrôle avec les pieds, d’autres avec les mains. Les loopers contrôlés via des footswitches sont idéaux si vos mains ne sont pas disponibles pour lancer l’enregistrement. C’est notamment le cas d’un joueur de guitare ou de violon. Les loopers contrôlés avec les mains ont la préférence des chanteurs et des beatboxers. Notez qu’il est quand même possible de lancer un looper sans footswitche avec les pieds. Il suffit d’ajouter un système indépendant de footswitches connecté au looper directement.

Pour débuter, vous pouvez utiliser cette simple configuration de looping.

Looping configuration

Il est possible de mettre en œuvre des configurations très complexes. Découvrons l’exemple du musicien Reinhardt Buhr. Son set d’appareils contient un microphone et plusieurs instruments de musique couplés à un processeur multi-effets. Il utilise une multitude d’instruments selon ces enregistrements comme la guitare, le violoncelle, le cajon, la derbouka ou le didjeridoo. Si l’instrument dispose d’un pickup, il est directement capturé à l’aide d’un câble jack. Les instruments sans pickup comme la derbouka sont enregistrés par le biais du microphone qu’il utilise aussi pour capturer sa voix. Chaque capture est dirigée vers une table de mixage qui lui permet d’avoir un mix par capture. La sortie de la table est envoyée à un processeur d’effets, puis à un looper, et enfin au système d’amplification. Il dispose aussi de footswitches disposés au sol et d’un pad MIDI pour contrôler différents éléments.

Cas du looper combinant DAW, interface MIDI et carte son

Dans ce cas, l’installation est un peu plus complexe et nécessite plus d’appareils. Si vous jouez d’un ou plusieurs instruments, il faut brancher chaque instrument à une table de mixage ou une carte son à plusieurs entrées. Celle-ci est reliée à votre ordinateur et doit être reconnue par votre DAW. Ensuite, votre interface MIDI doit elle aussi être connectée à l’ordinateur et reconnue par le DAW afin de lancer et d’arrêter les loops. Certains claviers ou appareils disposent directement d’une interface MIDI. On peut ajouter un ou des footswitches pour réaliser les lancements et stops au pied. Enfin, le son en sortie du DAW est envoyé au système d’amplification.

Notre Ambassadrice Laura Escudé est une adepte de ce type d’installation. Elle utilise le logiciel Ableton Live auquel sont connectés d’autres appareils. Sa réelle crainte à chaque performance est le plantage de l’ordinateur. C’est pourquoi elle part toujours avec deux ordinateurs prêts à se remplacer l’un l’autre en cas de problème. Si le moindre problème survient, le second ordinateur est déjà démarré et prêt à être utilisé. Les plantages sont assez rares, mais ils sont possibles et mieux vaut être préparé à tout rebrancher le plus rapidement possible. Sur ce type de configuration, il faut posséder un bon ordinateur et se sentir à l’aise avec celui-ci. Le processeur et la RAM de l’ordinateur sont des éléments clés, mais aussi la vitesse d’exécution du disque dur.

En utilisant un DAW, les possibilités de traitement audio et d’automatisation sont infinies. Le nombre de boucles est illimité tant que votre ordinateur peut le supporter. Il est possible de préparer tout un set en avance avec une préconfiguration contenant l’emplacement de vos futures boucles, les effets qui leur seront appliquées ou encore les moments de déclenchements et d’arrêts de certaines loops.

Revoici Reinhardt Buhr dans sa configuration studio. Toutes les loops sont enregistrées par le DAW Ableton. Le lancement ou l’arrêt de l’enregistrement des boucles se fait à l’aide d’appareils MIDI ou de footswitches. Le son des instruments et du micro est redirigé vers une interface audio connectée à l’ordinateur et donc au DAW. Les boucles et le son sont traités par le DAW, puis le son final est redirigé vers les enceintes.

Avantages et inconvénients de ces systèmes de looping

Avantages Inconvénients
Looper (matériel physique) Branchement simplifié

Facilement transportable

Nombre de pistes limité (généralement de 1 à 6 pistes selon le looper)

Conçu pour une seule entrée pour un seul instrument

Une seule sortie en mono ou en stéréo

Looper DAW + interfaces MIDI (ordinateur, logiciels et appareils physiques) Possibilités d’automatisation, de sons, de mix, etc. infinies. Il n’y a presque aucune limite avec un DAW.

Nombre de pistes infini (du moins tant que votre ordinateur peut le gérer)

Branchement de plusieurs instruments possibles

Branchement complexe nécessitant beaucoup de matériel

Achat et maitrise d’un DAW

Plus on a d’appareils dans sa config, plus il y a un risque de panne

Plus de matériel à transporter

Coût conséquent

Techniques de looping

Boucler selon un tempo précis

La technique la plus simple et la plus courante est l’enregistrement de boucles respectant un tempo régulier et précis. C’est une technique innée pour un musicien. Jouer en respectant un tempo est en quelque sorte l’une des bases de la musique !

La difficulté dans cette technique réside dans le timing d’enregistrement. La synchronisation entre vos boucles doit être parfaite !

La maitrise du timing : la difficulté majeure lorsqu’on se lance dans le looping

C’est le principal problème pour toute personne qui utilise un looper pour la première fois. Le plus difficile est de lancer et de stopper l’enregistrement sur la bonne mesure. Le moindre décalage se répercutera sur tout votre enregistrement. Il faut débuter et arrêter l’enregistrement au bon moment. Le musicien doit se focaliser sur ce qu’il joue et sur l’enregistrement de ses loops qu’il lance avec son pied ou sa main selon l’appareil utilisé. Cela demande de la coordination et ça n’est pas évident au départ.

Pour vous simplifier la tâche, certains appareils proposent une fonction d’enregistrement automatique. Cette fonctionnalité détecte immédiatement la première note et lance l’enregistrement à la première note. Attention, l’appareil lance l’enregistrement, mais ne l’arrête pas automatiquement. Cette fonctionnalité peut être utile lors de vos premières loops. Mais elle est limitative et il est préférable de passer du temps à maîtriser son timing, cela vous donnera bien plus de liberté ensuite.

L’arrêt de l’enregistrement au bon moment est l’élément le plus important, et souvent le plus complexe à réaliser. La petite astuce pour les débutants est de jouer sa grille d’accord jusqu’à ce qu’elle vous semble parfaite pour lancer son enregistrement. Au moment de stopper la boucle, ne vous arrêtez pas à la dernière note, mieux vaut poursuivre le jeu pour l’arrêter entre la fin et le début de la boucle. Le stop doit se faire dans la continuité et pile entre les deux. C’est pourquoi beaucoup d’artistes continuent de jouer au moment du stop. Il vaut mieux poursuivre sa boucle en le rejouant tout en appuyant sur le bouton pour ne pas se retrouver avec un blanc au milieu de la loop.

Dans ce schéma, nous conseillons donc :

  • Jouer la loop à vide sans l’enregistrer une première fois (ou autant de fois que nécessaire, jusqu’à se sentir à l’aise pour l’enregistrer).
  • Dans la continuité, lancer l’enregistrement de la loop à sa première note dès que vous vous sentez prêt à l’enregistrer.
  • Enfin, stoppez la boucle au bon moment tout en la rejouant une dernière fois afin d’être dans le bon timing et d’éviter d’avoir du blanc. Le stop doit être fait entre la dernière et la première note de la boucle.

Certains appareils disposent d’une fonction métronome qui peut aussi simplifier l’enregistrement des loops. Vous pouvez l’utiliser pour boucler au bon moment. Certains artistes s’en servent en live. Cependant, ils ont une configuration avec deux mixes différents. Un mix envoyé aux ear-monitors de l’artiste contenant le métronome, et un second mix sans métronome destiné au public pour ne pas polluer le rendu.

Boucler sans respecter le tempo

Une technique bien plus difficile mais très intéressante ! À l’inverse de la première, cette technique consiste à looper contre le tempo établi. Ce sont souvent des boucles assez lentes abusant de tonalités différentes se répondant les unes aux autres. Il n’y a pas de meilleure façon de procéder que d’essayer régulièrement afin de trouver son propre style. Certains artistes optent dans cette technique pour une harmonie ou une dissonance du système tonal ou pour le système atonal. Ci-dessous une vidéo de la violoncelliste Zoe Keating.

Le système tonal se construit autour des gammes majeure et mineure avec des règles d’écriture plutôt strictes reposant sur le cycle des quintes. Le système atonal rejette la construction du système tonal et ne tient compte d’aucune hiérarchie tonale.

À quoi peut servir un looper ?

Le live de l’homme-orchestre

Nous avons cité plusieurs exemples précédemment dans cet article. Certains musiciens jouent en solo instrument(s)-voix et réalise la totalité de leur prestation à l’aide d’un looper. Utiliser un looper sur scène est souvent source de questionnements et d’intérêt de la part du public. Cela fait toujours une sacrée impression ! On trouve beaucoup de guitaristes adeptes de ce type de prestations, mais aussi des violonistes et violoncellistes, et bien d’autres instrumentistes. Un nouvel exemple avec Marc Rebillet et ses sessions endiablées.

Composer en solo

Certains musiciens imaginent de nouvelles compositions à l’aide d’un looper. Ils s’en servent comme d’une base pour trouver la première trame de leur future composition. Effectivement, avec le looping, vous pouvez poser les bases de votre prochain titre que vous arrangerez ensuite. Identifiez une grille d’accord, trouver une base rythmique et éventuellement réfléchir à ce que vous allez ajouter dessus…

Improviser

Dans le milieu de l’improvisation, l’utilisation d’un looper est quelque chose de très fréquent. C’est l’outil idéal pour progresser en solo à la maison ou tout simplement pour développer quelque chose improvisé sur scène. Vous pouvez enregistrer votre base rythmique ou une suite d’accords et improviser dessus. Notre Ambassadeur Eduardo Bortolotti est un adepte du looping en improvisation.

Pratiquer dans une grille d’accord ou rythmique

En enregistrant une grille d’accord ou une grille rythmique en boucle, vous pouvez travailler dessus en tant que soliste ou en tant que musicien d’accompagnement.

Quelques conseils d’adeptes du looping

Utiliser le stop

N’hésitez pas à stopper des boucles, voire à toutes les stopper, et à les relancer pour donner du punch à votre titre !

Avoir un maximum de sons possibles

Si vous vous enregistrez en solo ou êtes solo sur scène, il est important de disposer de suffisamment de « sons » pour créer une chanson complète. Cela passe par différents instruments couplés à des effets, des percussions numériques ou naturelles, un clavier, etc.

L’utilisation d’un instrument disposant de nombreuses cordes comme les violons électriques à 5 ou 6 cordes est aussi un atout supplémentaire. En ajoutant une corde de Do et/ou de Fa, vous élargissez votre palette sonore. Plus vous allez couvrir une large bande de fréquences, plus vous aurez de possibilités sonores ! Si vous vous enfermez dans un seul instrument avec un seul son, les boucles risquent d’être redondantes et difficilement interprétables par l’auditoire.

Découvrez les avantages d’un violon à gamme étendue. Pourquoi choisir un violon électrique à 5, 6 ou 7 cordes ?

Sources et images : Wikipédia, The Beatles, Reinhardt Buhr, Laurent Bernadac, Eduardo Bortolotti, Laura Escudé

Tags : boucle, effets, loop, looper, looper au violon, violon, violoniste

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